L'icône de
Saint Jean Eudes

Icône de Saint Jean Eudes - Champboisé 

Le mot icône est un peu mystérieux. Il évoque un tableau religieux, une œuvre sacrée chargée de présence, qui éveille beaucoup de questions.

L'icône décrit le surnaturel, la sainteté, par la peinture. C'est en fait plus qu'un tableau, c'est une prophétie en image: image lourde d‘une présence, image qui nous regarde et nous change. Ce que la Parole dit, ce que la liturgie célèbre, l'icône le montre silencieusement. Elle met en relation avec son modèle:

Histoire

La fabrication de l'icône date du début de l'ère chrétienne, et a atteint son apogée dans la ville de Byzance, il y a plus de mille ans. Cette représentation sur bois, du Christ, de Marie et des saints, n’est pas familière pour nous, occidentaux. Elle ne s'explique pas, elle se découvre progressivement par la foi, par la prière. L'intérêt actuel pour les icônes manifeste une aspiration vitale et pressante à un retour aux sources historiques du salut en Jésus, fils de David, en même temps qu'à la contemplation du Christ glorieux, ressuscité et ressuscitant. Elle est signe d'espérance.

Lors d'un séjour à Champboisé, le désir m'est venu de faire une icône, pour le lieu de rassemblement. Suivant un peu cette inspiration, à la suite de certains entretiens et grâce à un concours de circonstances favorables, ce projet s'est concrétisé.

Le triptyque, constitué de trois panneaux, représente (si l'on est situé en face de l'icône):

· À droite, Jean-Baptiste nommé l'apôtre du désert. Quoi de mieux pour une solitude?

· À gauche, Marie portant l'enfant appelée la «Conductrice». Elle souligne d'une façon iconographique la dévotion que Jean Eudes avait pour les saints Cœurs de Jésus et de Marie. C'est aussi un rappel du nom donné à la Congrégation des Eudistes.

· Au centre, saint Jean Eudes. Seul le panneau central sera commenté ici.

JEAN EUDES, qui apparaît en buste, semble s'imposer discrètement par une attitude paternelle et accueillante.

Son visage jeune, empreint d'une douce sérénité et d'une paix profonde, nous invite à partager son intimité et son amour. Son regard tendre et volontaire semble ouvrir des chemins à l'engagement et à la mission.

Sa main droite montre le cœur, foyer d'amour. Telle est bien la dévotion que Jean Eudes favorisait et pratiquait : «Il m'a toujours porté entre ses bras, voire dans son sein et dans son cœur, avec plus de soin et d'amour qu'une mère ne porte son enfant».

Sa main gauche tient le parchemin où est inscrite la devise : «CORDE MAGNO ET ANIMO VOLENTI».

Jean Eudes est recouvert d'un manteau vert-bleu, symbolisant la vie: le vert exprime la nature, la végétation; le bleu, la vie divine. Tout est symbole de croissance et de fertilité.

Le Christ, qui apparaît à droite, confère à Jean Eudes la prêtrise. De la main gauche Il lui tend le calice et de la main droite le bénit.

Travail iconographique

Les planches ont été préparées selon la technique byzantine ancienne.

La partie centrale, faite du bois d'un pin de Champboisé, a d'abord été recouverte d'une fine toile de lin. Par la suite, elle a été enduite de colle de peau, et de 8 à 10 couches d'albâtre. Après que celle-ci eût séché puis eût été poncée, la planche était prête à recevoir le dessein qui y a été gravé, à la pointe sèche.

L'or, en langage technique, s'appelle lumière. C'est la première matière placée sur le dessin afin d‘éclairer l'ensemble. Le nimbe est particulièrement caractéristique de ce rayonnement lumineux.

Puis viennent les couches de couleur. Pigments naturels provenant de différents pays où Jean Eudes rayonne par ses missions.

Ces pigments en poudre sont dilués avec du -jaune d'œuf et de l'eau. Il est bon de noter ici que les trois règnes sont représentés: animal, végétal et minéral.

Le travail s‘exécute par couches successives graduant vers la lumière. Il n'y a pas d'ombre projetée, la lumière vient de l'intérieur, de cette profondeur même du corps greffé à celui du Christ.

Ce travail terminé, l'icône séchée, on peut mettre l'olifa-enduit fait d'huile de lin et d'un siccatif, ceci afin d'unifier les différentes couches déjà placées, ce qui donne aux icônes cette profondeur et unité qui leur sont propres.

Le tout est recouvert d'un vernis qui protège l'icône contre la dureté de l'âge.

Conclusion

Au-delà de cette explication et réflexion concernant l'icône, demeure tout l'espace réservé au mystère, à la prière, à la relation de l'homme avec son Dieu, à la recherche insatiable de bonheur. L'icône procure déjà une ouverture vers cet absolu, pour sa plus grande gloire.

Panneau numéro 1 du tryptique de l'icône de Saint Jean-Eudes de Champboisé.

Auteure de l'icône : Mme Céline Boucher, Ste-Foy (Québec), 1990.

Icône écrite à Ste-Foy, 1989-1990

Icône Marie Mère de Dieu

Cette icône rappelle la dévotion que Jean Eudes avait envers les saints Cœurs de Jésus et Marie. C’est aussi un rappel du nom donné à la Congrégation de Jésus et Marie.

Ce type d'icone où Marie présente son Fils est dite «Hodigitria». C'est tout l'évangile qui vient habiter l'icône dans sa dimension humaine et divine, par la pureté des lignes et la liberté des mouvements, par le geste et le regard dégagés, par les formes statiques et mouvantes des personnages. Une unité très grande nous offre un mystère plein de richesses qui nous enveloppe et nous illumine dans la contemplation.

Si l‘icône indique la mention de Mère de Dieu, ce n‘est pas elle qui occupe la première place dans la composition; le personnage important, c'est Jésus qu'elle tient dans ses bras. Le blanc éclatant de la robe de l'Enfant est considéré comme une couleur divine, c'est le blanc éblouissant de la Transfiguration. «Son vêtement devint d'une blancheur éclatante». Si Jésus est drapé de doré, c'est pour affirmer sa divinité.

Sa main droite placée sur la poitrine de Marie, nous montre que c'est par le Cœur de Marie qu'il bénit, tout en rappelant par la position des doigts, les deux natures du Verbe incarné. Sa main gauche tient le rouleau des écritures, qui contiennent les volontés de Dieu sur lui.

Marie n'est que tendresse et vigilance pour son Fils. Le bleu très pur autour de son visage, c'est un peu comme le ciel qui resplendit. Sa tunique bleu foncé exprime qu'elle est humaine; cependant, son vêtement pourpre impérial rappelle son titre de Mère de Dieu et ses pouvoirs d'intercession auprès de son Fils.

Les trois étoiles évoquent la maternité virginale de Marie et atteste qu'elle est le tabernacle, le temple vivant de la Trinité Sainte. Marie s'inscrit dans le ciel par cette prédilection de Dieu mais elle s‘inscrit aussi pleinement dans notre monde pour nous guider et nous conduire avec patience et son Fils.

L'auréole de la Vierge se perd dans celle du Fils, rappel que c'est de lui qu'elle reçoit sa sainteté. Les trois lettres grecques C W N dans l‘auréole de l‘enfant disent l'éternité de Dieu: «Je suis Celui qui suis». En haut, c'est le titre de Mère de Dieu qui est rappelé, et les lettres I C X C indiquent les titres de Jésus, Fils de Dieu et Sauveur.

Ici dans l'icône, la médiation de Marie par rapport au Christ est vraiment mise en valeur par la position de la Mère et du Fils.

C'est une merveille de contempler cette association de Mère-Fils dans l'économie du Salut.

Pendant que Marie nous présente son Fils, elle tourne son regard vers l'extérieur et désire envelopper tous les hommes dans ce regard infiniment triste à cause de la Passion qu'elle entrevoit et en même temps infiniment tendre et suppliant à cause de ceux qui refusent l'amour de son fils.

L'Enfant, c‘est déjà l'adulte qui marche vers sa passion, mais son visage montre beaucoup de compassion.

Maris, vient nous inviter très fortement à nous abandonner à la miséricorde de Dieu. Elle est toute attentive à chacun de nous. C'est elle qui peut ouvrir la porte de nos cœurs pour laisser pénétrer son divin Fils.

Ces deux icônes ajoutées à celle de Saint-Jean-Eudes veulent inspirer la prière, et attirer la Grâce sur ceux et celles qui les regardent.

Le Cœur de Jésus, le Cœur de Marie, le Cœur de l'Église, le Cœur du fidèle sont un dans le même mystère de prière et d’amour.

Panneau numéro 2 du tryptique de l'icône de Saint Jean-Eudes de Champboisé.

Auteure de l'icône : Mme Céline Boucher, Ste-Foy (Québec), 1990.

Icône de Saint Jean Baptiste

L'image ascétique la plus souvent représentée et la plus forte de toute la peinture religieuse russe est peut-être celle de Jean-Baptiste.

Trois thèmes ici peuvent être soumis : celui du précurseur du Christ, de prédicateur ou de prophète. Comme précurseur, il personnifie le renoncement au monde. Il prépare l'humanité au nouveau sens de la vie en prêchant le repentir, le jeûne et toute forme d'abstinence. Cette idée est exprimée par son visage décharné et l'anormale maigreur de ses bras et de ses jambes. De l'épuisement même de sa chair, il tire la force de s'élancer vers la joie spirituelle.

Dans le début du monachisme, Jean-Baptiste était le supérieur hiérarchique des moines et des moniales. Aujourd'hui beaucoup le considère comme patron des « Solitudes », ce que représente la matelote de peau des anachorètes dont il est vêtu.

Jean-Baptiste est présenté en pied. Son vêtement jaune-or qui recouvre ses épaules exprime sa participation à la vie de Dieu. Le bleu de sa matelote est le même que celui de la robe de Marie. Tous deux sont témoins du Verbe. Dans sa main gauche la croix, fondement de son témoignage comme martyr. Ainsi que sur le parchemin cette parole qui peut en appeler une autre : « Un homme ne peut rien s'attribuer au-delà de ce qui lui est donné ». (Ju. 3,24-30.)

L'écriture

Saint Jean-Baptiste est revêtu d'un ministère de témoignage, c'est le témoin de la soumission du Christ, de son ultime kénose. Mais, en Jean-Baptiste comme archétype, comme représentant de l'espèce humaine, c'est toute l'humanité qui est le témoin de l'amour divin. La "Philanthropie de Dieu" culmine dans l'acte du baptême, "accomplissement de la justice", avec la mort et la résurrection au terme, accomplissement de la décision prééternelle que nous pouvons contempler sur l'icône de la Trinité.

« Or, comme tout le peuple se faisait baptiser, Jésus se fit aussi baptiser » (Luc 3,21). Le Verbe vient sur la terre, vers les hommes. Nous sommes donc en présence de la rencontre la plus bouleversante de Dieu et de l'humanité (« tout le peuple »). Mystiquement, en Jean-Baptiste tous les hommes se reconnaissent « fils dans le Fils », « les fils bien-aimés » dans le « Fils bien-aimé » et de ce fait les "amis de l'Époux“, les témoins. Le Fiat de la Vierge fut le oui de tous les hommes à l'incarnation, à la venue de Dieu chez les siens“. En saint Jean, cet autre des « siens », tous les hommes disent fiat à la rencontre, à l'amitié divine, à la philanthropie du Père, ami des hommes. Comme Siméon « poussé par l'Esprit » rencontre et reçoit l'enfant Jésus, de même Jean rencontre et reçoit Jésus-Messie : « Parut un homme envoyé de Dieu, il se nommait Jean, il vint comme témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient par lui » (Jean I, 6-7). Il

témoigne pour tous, à la place de tous, et ce témoignage est un événement à l'intérieur de l'humanité totale et concerne tout homme.

Le IVᵉ Évangile parle de Jean dans son prologue, tout de suite après «la Parole qui est au commencement », et quand on lit « il y eut un homme envoyé de Dieu », on sent que sa venue, en un certain sens, vient aussi du « commencement », de l'éternité. Le ciel s'ouvre devant lui et « il rend témoignage : j'ai vu l'Esprit descendre sur lui... C'est lui qui est le Fils de Dieu » (Jean I, 29-34) ; dans cette brève parole, c'est déjà, sous une forme réduite, tout l'évangile. Jean est celui qui sait, il désigne l'Agneau, car il est initié au mystère de « l'Agneau immolé dès la fondation du monde » ...

Jean n'a rien « prédit » et il est le plus grand prophète, comme le doigt de Dieu, il désigne le Christ. Il est le plus grand parce qu'il est le plus petit, ce qui veut dire affranchi de sa propre suffisance pour n'être que celui qui « se tient là », qui se réjouit en entendant la voix de l'Époux, qui est l'ami de l'Époux et sa joie est grande, sans mesure. C'est la proximité la plus intime où la Parole résonne. Il est à l'image de l'Esprit car « il ne dit rien de lui-même, mais parle au nom de Celui qui est venu. Il est ce violent qui ravit les cieux » et son martyre illustre admirablement un ancien «logion» monastique : « donnes ton sang et reçois l'Esprit »... Avec la «Théotokos», il entoure « le Christ juge et intercède pour tous les hommes.

La liturgie appelle Jean : « prédicateur, ange et apôtre ». Il témoigne et sa voix d'ami de l'Époux suscite la première vocation apostolique : « André et Jean suivent Jésus » (1,37). Plus tard, il quitte ce monde et descend aux enfers en précurseur de la Bonne Nouvelle.

Autres textes liturgiques : (Jn_3, 22-36).

Travail iconographique: la planche a été préparée selon les techniques iconographiques byzantines anciennes.

· Bois de pin québécois.
· Toile de lin (ancien corporel).
· Colle de peau de lapin.
· 8-10 couches d'albâtre poncé.

Gravure à la pointe sèche.

Couleurs : Auréole, feuille d'or 18 carats, posée selon la technique de l'or poli. Pigments naturels provenant de l'Europe, liés avec du jaune d'œuf.

Finition : Olifa : enduit d'huile de lin qui sert à protéger et à unir les différentes couches de peinture pour leur donner cette harmonie typique faîte de profondeur et de lumière.

Vernis acrylique.

Inscription : C'est par l'inscription que l'image reçoit toute sa dimension spirituelle, son caractère sacré.

Bibliographie :
· Paul Evdokimov, L'art de l'icône
· Eugène Eroubetzkoi, Trois études sur l'icône

Panneau numéro 3 du tryptique de l'icône de Saint Jean-Eudes de Champboisé.

Auteure de l'icône : Mme Céline Boucher, Ste-Foy (Québec), 1990.